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Zone de convergences d’intérêts exacerbés par la situation climatique, (la fonte du permafrost qui permet notamment le développement des routes et activités commerciales), l’Arctique devient paradoxalement une ‘zone chaude’ quant aux questions de souverainetés et d’accès aux ressources sur et sous la banquise. Les convoitises pour les minerais, terres rares ou encore hydrocarbures, l’accès au passage stratégique du Nord-Est et la délimitation des zones de pêche forcent les acteurs frontaliers (Canada, États-Unis, Danemark, Norvège, Russie) et ceux qui ont des intérêts forts dans la région (Chine, Japon…) à se montrer très actifs sur la scène géopolitique, multipliant les prises de positions, les alliances et les conflits. La Russie, et l’armateur national Atomflot viennent de mettre à l’eau, fin 2020, l’ARTIKA, son nouveau brise-glace à propulsion nucléaire géant : 33,000 tonnes, 175 mètres de long et 50 mètres de haut. C’est le plus gros navire de ce type au monde. Il n’est même pas encore complètement terminé qu’il a déjà bénéficié d’une énorme communication de la part de Vladimir Poutine et de ses (très) proches de Rosatom. Il faut dire que la flotte nucléaire des brise-glaces russes est une assurance de garder un certain contrôle sur ces nouvelles routes maritimes et ce pour encore un moment. Aucun porte-containeur, quel que soit l’armateur, asiatique ou européen ne saurait s’en passer aujourd’hui. Pour Moscou c’est un outil d’influence unique en son genre pour promouvoir ‘son’ corridor, le passage du nord-est. Passage qu’elle agrémente de bases de renseignement, d’avant-postes militaires et de ports en eaux profondes, idéal pour les ravitaillements nécessaires et pour démultiplier encore son contrôle. Les récents évènements du cargo Evergreen coincé dans le canal de suez ont permis à Rosatom de rappeler au monde que ‘leur’ alternative était peut-être plus qu’une alternative mais une vraie solution d’avenir. La Chine, observateur permanant au conseil de l’Arctique depuis 2013 et autoproclamée en ‘near artic state’ depuis 2018, (terme plus ou moins amusant qui exprime le fait que la Chine est une sorte de ‘voisin éloigné) ne cache plus son jeu ni ses intentions de peser diplomatiquement sur la zone. D’un point de vue géographique c’est légèrement tiré par les cheveux mais Pékin veut faire comprendre au monde qu’elle est le principal instigateur d’une route polaire puisque c’est elle qui remplirait les containers qui l’emprunteraient. Les divers récents livres blancs et documents stratégiques de Pékin détaillent tous l’arctique comme enjeu majeur de la prochaine décennie. Depuis 2013, Il n’est plus rare maintenant de voir la chine coopérer d’une manière ou d’une autre (mais toujours subtilement) dans les secteurs aussi pointus que la recherche océanographique, académique, scientifique ou encore la cartographie marine. Le HaiYang ShiYou en 2016 effectuait un record (chinois) de cartographie sur un mois en partenariat avec la Russie avec un port d’attache norvégien. Ces accords bilatéraux sont multipliés, en Islande, au Danemark ou encore en Norvège offrant à ces pays un gain de poids diplomatique important à la table des négociations, en échange de ports d’attaches (source de lobbying important), de concessions minières ou de droits de passages. Qui en retire le plus de profit ? c’est une autre question :  ‘Near Artic State’ pour la Chine, ‘near china state’ pour les autres. Ces interactions et ces synergies plus ou moins floues bousculent les équilibres géostratégiques dans la région et affermissent les velléités souverainistes des uns et des autres. D’un côté un main mise russe, en théorie, sur ce passage du Nord-est, de l’autre côté le besoin de rentabiliser et de sécuriser cette nouvelle route déjà empruntée par les compagnies européennes, chinoises, japonaises, coréennes et leurs millions de containers annuels. Pékin souhaite que la route du Nord respecte le principe de la libre de navigation, quand Moscou rappelle que c’est une route majoritairement sous souveraineté russe. Des accords bilatéraux permettent cependant aux navires chinois d’exploiter la région, sous sécurité russe en échange de capitaux et d’une multiplication des passages par le nord-est. De leur côté, le Danemark, l’Islande et la Norvège continuent leur lobbying pour offrir leurs solutions portuaires aux Chinois sans lesquelles aucun ravitaillement, chargement, déchargement ne serait possible. Et la France dans tout ça ? Membre permanant du Conseil de l’Arctique depuis 2000 mais peut-être un peu tardivement, elle tente également d’accentuer son poids sur les Enjeux écologiques, économiques et géopolitiques de la zone. Elle reporte, mais qu’avec parcimonie, ces enjeux sur sa Feuille de Route Nationale sur l’Arctique (FRNA) et ses livres blancs de 2013 et 2019. Ils sont surtout axés sur la dissuasion nucléaire, sujet sensible pour la France. Elle fait également mention de son historique épais en recherche et exploration polaire et son industrie performante lié à l’océanographie en générale. Il semble probable qu’elle souhaite dans un avenir proche s’y faire une place à la table grâce à sa compétence scientifique et sa diplomatie reconnue