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Vous reprendrez bien un peu de plateau de France ?

Depuis 2002, la France, à la limite de son immense Zone économique exclusive (ZEE) et en accord avec la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (CNUDM), multiplie les recherches et les moyens hydrographiques, océanographiques et bathymétriques, afin de valider le potentiel d’extension de sa souveraineté sur son plateau continental. Parce qu’une Zone économique exclusive, c’est bien, mais planter son drapeau sur les fonds marins, plus loin et plus profond, c’est encore mieux ! Cela octroie des droits souverains sur son sol et son sous-sol, avec en prime son exploitation. Que ce soient hydrocarbures, minéraux, métaux ou ressources biologiques, ces fonds regorgent d’opportunités économiques présentes et futures.

Sans rentrer dans les détails techniques, la Convention stipule que si certains critères du prolongement naturel et de la continuité géologique et morphologique sont confirmés, l’État peut revendiquer cette extension jusqu’à 350 milles nautiques. L’encadrement des droits de l’État côtier et des activités menées sur ces fonds marins (uniquement) est lui clarifié par la charte et certains articles.

Dans le programme EXTRAPLAC, (nom qui ne porte pas vraiment à confusion quant à sa définition), RA se reporte à « Raisonnée », ou plutôt l’Extension raisonnée du plateau continental. Parce que la recherche en haut-fond coûte cher et doit être systématiquement associée au retour sur investissement. Également parce que la dimension écologique et la protection de l’environnent marin prennent ici un sens particulier, des notions compliquées à maitriser.

À l’automne 2020, la France s’est vue autorisée une extension de 151 323 km2 au large de l’île de La Réunion et des îles Saint-Paul et Nouvelle-Amsterdam (Terres australes et antarctiques françaises), soit l’équivalent de plus d’un quart de la superficie de l’Hexagone. D’autres revendications sont en cours, notamment en Terre Adélie, en Polynésie et dans les Mascareignes.

Mais concrètement, que peut-on trouver dans ces fonds marins ? Que ce soient la France, la Chine, la Russie ou toutes autres nations faisant cette demande d’extension en y mettant les moyens, le réel enjeu est de sécuriser l’accès à des ressources très convoitées.

Notamment, les nodules polymétalliques, les encroutements cobaltifères, les amas sulfurés ou les terres rares, qui interviennent tous à divers stades de la fabrication des batteries destinées aux téléphones, aux voitures, etc. Ces ressources deviennent de plus en plus stratégiques à mesure que la transition énergétique prend de l’ampleur et que la production de batteries s’intensifie drastiquement.

Beaucoup d’annonces ont récemment eu lieu. On peut d’ailleurs penser à celle du Japon récemment sur les terres rares. Ces annonces sont avant tout un outil d’influence. Découvrir un potentiel gisement géant, c’est influer sur les prix chinois. Du moins, c’est réduire la dépense théorique envers son imposant voisin. Dans les faits, c’est plus compliqué : ces découvertes peuvent être financièrement ou techniquement inaccessibles et inexploitables. Au large de la Polynésie, la France a récemment invalidé les conclusions Japonaise (Kato et al.) sur les terres rares présentes dans une zone précise du Pacifique. Par exemple, elles ne seraient pas, ou plus, en quantité suffisante pour être notables au cours d’aujourd’hui. Cela représente un coup dans l’eau pour le moment, mais ces annonces vont être naturellement amenées à se multiplier.

Pour la France exploitant le cobalt en Polynésie ou la Russie les hydrocarbures de l’Arctique, tomber « dans les clous » au niveau des textes de la CNUDM simplifie grandement la tâche mais requiert un lobbying important et une recherche océanographique de premier niveau (matériel et humain).

Pékin en mer de Chine complexifie encore la donne avec une autoproclamation et une non-reconnaissance des autorités onusiennes.

Il est évident qu’il va falloir jongler entre les annonces des pays en recherche d’influence et la réalité du terrain. Mais une chose est sûre, gagner de la souveraineté sur ces fonds marins potentiellement riches va devenir un élément clé pour un pays afin de (re)venir sur la scène diplomatique et développer son pouvoir d’influence probablement mondiale, tant les ressources de ces grands fonds vont jouer un rôle majeur dans notre monde.